« …croire sans croire à ce qu’(on) croit,
mais avec conviction, audace, témérité,
pour que changent les idées réçues,
que disparaissent les doctrines,
que l’art devienne le moteur de nos interrelations. »
Guy Ausloos, auteur de La compétence des familles, et de sa propre incompétence
Il questionne beaucoup. Par quel bout prendre cette nouvelle relation de partenariat ? Comment m’ajuster avec ce client, qui n’est pas encore client, et me bouscule déjà au niveau du contrat ? Que faire pour ne pas décevoir, de mon sponsor, espoirs ?
Et ce faisant il n’est déjà pas avec moi. Alors, en silence, et de mon regard, je lui livre ma question à moi. Et il la prend. Et il combat :
- Ne me dites pas que vous n’avez pas de conseils à me donner. Que tout est en moi. Je vous vois déjà !
Et il se rend à sa propre question dans l’entre-nous qui est là :
- Avec tout votre savoir, faire et être, votre perspicacité, votre sensibilité, comment pourrions-nous travailler ensemble autrement que par l’enseignement auquel de vous je tiens ?
- Je vais vous dire pour moi, et après vous me direz.
- Ah ! Vous y voilà enfin !
- Quand je vous vois, et vous veux, me vient l’élan soudain d’apaiser toutes vos peurs. De raconter malheurs, comme un conte lointain fait d’héros et de leurres. Et de vous faire rire. Et de vous faire la belle. Mais ce n’est que mon désir et le vôtre se terre. Ou bien rejoindre le mien à un endroit suicidaire.
Vous voulez mon savoir. Moi, c’est votre ignorance qui me tient à coeur. Nous ne nous rencontrons pas… Comment créer à deux? Comment le « nous » trouver ? Mais là je vous questionne, comme vous le feriez…
- Je sens ce « nous » à l’instant… Il se débat en effet, entre le « je » de moi et de vous ce « je » là, et à son tour exister. Puis, il ne se débat plus. Il les respecte aussi. Et même il les chérit…
- Rien de ce qui concerne l’autre ne peut-être une question en soi. Elle est réponse à deux selon ce qui se fait, ou ne se fera pas… Est-ce mon savoir ou de questionnements semblant d’un avatar ?
- Je le saisis à l’instant. De ce « nous » si puissant qui nous parle et nous fait autant nous émouvoir. Aussi, avec partenaire se fera ce qui sera. Avec nouveau client, il y aura ou pas contrat. Cela ne tiendra qu’à « nous ». Ou cela ne tiendra pas. Et pour mes sponsors sont partagés espoirs.
- Et si vous n’avez plus de questions, que sera-t-il du « nous » qui aura permis cela ?
- Ce « nous » sera et sera, puisque en ma vie, désormais, il va…
Ce que je prenais pour ma volonté propre, un désir personnel et brûlant, est finalement un accord partagé, une entente depuis longtemps consentie, dans un temps qui échappe à ma perception. Je pourrais m’en offenser, drapé dans mon orgueil de toute puissance bafouée, mais j’aime ma main guidée, la soumission à la relation où « je » ne me désigne plus … pas, comme si nous partagions la même flamme, « je » brûlons la même énergie, puisée à la même source, deux bougies éclairant le même espace en consumant un corps différent.
C’est là où la philosophie de Descartes s’arrête, exactement là où elle aurait dû commencer, dans la magie du partage. Le Je est majuscule car il ne m’implique pas mais m’associe l’autre et la relation qui va avec. Et ainsi nous pourrions écrire comme le début d’une aventure humaine : « Je » pensons, donc je suis.
Je vis avec ce texte depuis quelques jours maintenant en me disant que tu me donnerais bien prochainement le moment de te l’offrir …
Ton texte fait écho à un souvenir de massage. J’avais fini le travail sur les points d’énergie, et j’étais dans ce que j’appelle la cloture. Presque plus important que le massage lui même. Bref j’avais glissé mes doigts entre les orteils de la dame, posé mes pouces au plexus de chaque pied et je laissais son corps préparer la fin du massage, la fin du toucher serait plus juste. Je sentais bien que quelque chose tempêtait dans son pied gauche. Elle aussi, inquiète. Et tout à coup, cela a jailli comme si le bouchon avait sauté. L’énergie s’est mise à circuler à flot, elle rentrait dans mon bras droit, traversait mon torse, mon bras gauche et pénétrait son pied droit. C’était puissant. La boucle s’est installée en quelques secondes. Et elle un peu apeurée, ne comprenant pas ses sensations internes, luttant. Et puis elle a lâché. La circulation s’est un peu accélérée puis tranquillement, pas vite, a repris un flux paisible, comme une rivière apaisée. Et j’ai sentir ses orteils s’ouvrir pour laisser mes mains glisser et le contact s’arrêter.
Ce qui circulait n’était ni à elle ni à moi, ce qui nous traversait ne provenait ni de l’une, ni de l’autre, et pourtant n’existait qu’à travers nous.
Frédéric, nous vivions avec ce texte alors…
Frédérique, en mon groupe de pairs quelqu’un m’a dit, à propose de ce nous, qui échappe et sourit : « je ne crois pas à la magie. » Et cela m’a échappé et souri : « moi non plus. »